LA PLACE DU RAPPORT AU SAVOIR DANS LA REEDUCATION *

                                sommaire mémoire

VLe JEU en RÉÉDUCATION et son RAPPORT avec le SAVOIR

Aurélia : compte rendu d'une régression par le jeu *

jeux libres : *
a) les marionnettes : *

b) le jeu de pêche (avec des quilles) : *

c) le jeu de quilles à chambouler *

Modalités de travail *

Aurélia : jeu et sexualité *

Compte rendu de la séance n°9 *
Commentaire sur la séance : *

Compte rendu de la séance n°10 *

Commentaire sur la séance :  *

V. Le JEU en RÉÉDUCATION et son RAPPORT avec le SAVOIR retour

La situation de jeu en rééducation est biaisée : laisser l'enfant jouer avec la participation de l'adulte est proche de la situation analytique. Nous ne sommes pas dans le cadre analytique, donc nous nous privons de l'outil considérable qui est l'interprétation au sens où celle-ci permet des réaménagements de l'organisation psychique. " … lorsque de puissantes inhibitions sont en jeu, les résultats de nombreuses années de travail pédagogique n'ont aucune commune mesure avec l'effort déployé, alors que dans une analyse, nous voyons souvent ces inhibitions disparaître en un temps relativement court, et céder la place au plaisir d'apprendre le plus grand. " note10 Lorsqu'un enfant se met à marcher à quatre pattes en parlant comme un enfant de quatre ans alors qu'il en a huit, quelle piste nous reste-t-il ? Le laisser régresser sans l'aide du cadre analytique serait une gageure, dommageable pour l'enfant. Le bon sens nous commande ici d'orienter le travail sur la structuration de la pensée, en poussant l'enfant à maintenir le lien avec la réalité par la construction de la réflexion étayée par le langage. L'amener à dériver cette réminiscence archaïque vers une activité ludique construite sur l'échange et la régulation. Cette activité ludique support de l'angoisse a permis un abaissement des défenses, mais c'est par le retour au réel que le psychisme se réaménage. Ce retour à la réalité et à la prise en compte de celle-ci se fait à deux niveaux.

Le premier dont je viens de parler se situe au niveau de l'activité même. Mais le deuxième niveau, de loin le plus important, se situe au moment de la reprise en fin de séance. Le moment où par la pensée on redonne vie, mais avec une distance plus grande, à ce qui s'est passé. C'est aussi le moment où on laisse une trace écrite, élaboration paradigmatique de la pensée, écrite par l'enfant ou l'adulte, peu importe. Nous nous trouvons à ce moment-là dans un rapport à l'acte de pensée qui fonde le possible rapport au savoir.retour

Aurélia : compte rendu d'une régression par le jeu retour

Cette régression est possible par la mise en place d'un cadre, de règles de fonctionnement qui sécurisent l'enfant et lui permettent aussi de se libérer des contraintes de l'école, de la classe même, et c'est important de le signaler, si ce n'est pas l'objectif recherché, loin s'en faut.

Je présente les règles imprimées avec possibilité de lecture par l'enfant ou par moi. Ce sont les règles écrites et travaillées avec l'enfant. On peut noter qu'on est déjà dans une construction de la pensée, avec une réflexion sur ce qu'est le travail rééducatif, donc déjà dans des processus d'élaboration sophistiqués de la pensée, anticipation, négociation, régulation et mise à distance.

Je propose des jeux libres mais avec la possibilité d'utiliser des médiations culturelles telles que le tarot des contes, la lecture d'un conte et la mise à disposition d'un album. Ces supports ne seront pas choisis à cette séance mais il est à noter que l'album le sera à la séance qui suivra.

Au moment du placement de cette séance sur le calendrier en entourant la date du jour, l'enfant est déjà dans le jeu avec les marionnettes " Il lui a mangé la tête ! ".

Je prends le temps quand même de relire les règles avec elle, elle est très attentive et préfère que ce soit moi qui les lise. Je pense que ce moment est important, le fait qu'elle soit attentive me conforte dans cette idée. Je prends le temps de lui montrer sur la pendule le temps qu'il nous reste. Le cadre du travail me semble bien posé.

jeux libres : retour

a) les marionnettes : c'est un crocodile qui mange le singe. On retrouve le " J'ai gagné ! " Elle continue le jeu qu'elle avait commencé au moment du travail sur le calendrier. Elle remarque une troisième marionnette qu'elle appelle la sorcière, elle est adossée à une boîte en carton servant de castelet. Elle en fera une maison et une chambre.

Note de l'observatrice : Elle enfile la sorcière, la bouge, rit et la coiffe. Elle retourne vers les autres, prend le crocodile, il la mange " Elle est morte ". Le singe " Il a un bras cassé ", le crocodile le mange. elle le range dans le carton. Elle retourne chercher le singe " Il était pas mort ! " Je reprends " Ils étaient pas morts … " Elle me reprend " Il était pas mort… ". Elle retourne au carton, invente, les fait parler. Je la fait préciser, je commente. Elle dira pour conclure ce jeu " Le crocodile, il est mort, et voilà, c'est terminé ! "

Notes après coup : L'observatrice me fait remarquer que je la questionnais sur son histoire de marionnettes et qu'elle a l'impression d'agacement et d'intrusion. Elle me signale que je suis beaucoup plus près d'elle que la dernière fois et avec elle. Complètement avec elle. Elle me dit que j'étais trop dans son jeu.

On peut se demander si malgré moi je ne suis pas en train de favoriser une régression par ma présence trop englobante.retour

b) le jeu de pêche (avec des quilles) : Mon idée était simplement, dans le langage naturel de reprendre, de reformuler et de réfléchir sur l'action. J'essaye de lui faire prendre conscience qu'on peut tenir compte de ses actions pour développer une stratégie de réussite. On passe par la notion de bras de levier, je reprends les actions pertinentes (par exemple le fait de stabiliser la boule en la posant sur le sol).

Notes après coup : L'observatrice me dit que j'essaye d'intellectualiser pour savoir comment on en était arrivé là. L'enfant s'en fichait. Elle me dit que j'ai une attitude très explicative par rapport à son fonctionnement. A partir du moment où elle me dit " Essaye ! " son attitude change. Pour ma part je suis très content car je lui montre que je peux me servir de ses techniques pour réussir, que je reformule à nouveau, elle prend la canne et réussit. Pour moi la situation était risquée car rien ne pouvait prédire une réussite à coup sûr.retour

c) le jeu de quilles à chambouler

Pendant ce jeu elle me dirige, elle me donne des ordres, elle est dans la toute puissance. En même temps elle se comporte comme un bébé, elle parle comme un bébé, elle marche à quatre pattes. Je soutiens ce passage par le langage, une verbalisation et une construction par la pensée. Je lui impose une formulation précise pour faire ce qu'elle me demande. Pendant le temps où je devais remettre les quilles elle faisait autre chose, mais en s'assurant que je faisais bien ce qu'elle demandait.

Note de l'observatrice : expressions utilisées par l'enfant : " Allez, remets-les ! "; " remets-les pendant que je vais chercher l'autre ! " ; " Tu les as remis ! " ; " J'y arriverai jamais ! " ; " Une dernière fois ! ".

reprise de séance : avec beaucoup de mal. Point positif elle m'aide à ranger et me dit " J'aime bien aider les autres. " J'arrive à la faire asseoir et à reprendre avec elle par écrit (c'est moi qui écrit) ce qui s'est passé pendant la séance. J'écris ce qu'elle me dicte, elle est encore dans la maîtrise, et en parallèle elle joue avec d'autres objets qu'elle manipule (le livre qu'elle feuillette, la boîte de jeu qu'elle ouvre etc.). Au bout d'un moment elle s'intéresse à ce que j'écris et elle me dicte les mots un par un en vérifiant ce que j'écris. retour

Modalités de travail

Investissement : fort

État de l'enfant : très actif, agité peut être anxieux

Résistance : aucune à priori retour

Sur le trajet : à l'aller nous parlons de l'inspection dont elle ne se rappelle qu'après des précisions de ma part. Au retour, elle me parle du calendrier car je lui fais remarquer qu'elle l'a oublié. Elle me dit qu'elle ne risque pas de l'oublier pour venir car sa mère " le met dans mon lit ".

On peut noter le passage par une phase de régression, j'essaye d'étayer l'enfant pour qu'elle garde contact avec la réalité. J'utilise le langage que je lui impose pour obéir à ses injonctions, j'essaye de l'obliger à des formulations précises pour guider mon action. Le deuxième temps lors de la reprise, se trouve à mon sens un instant important, où grâce à l'écrit nous allons mettre en peu de distance par rapport à ce qui s'est passé, et clore la séance de façon satisfaisante. Il est intéressant de noter que c'est moi qui écris, mais que la prochaine fois, lors d'une régression nettement moins forte, c'est elle qui écrira le compte rendu de la séance. On notera un aspect particulier sur le trajet au moment au l'enfant me signifie que sa mère met le calendrier dans son lit. On peut être tenté de faire un rapprochement avec une forme d'érotisation. Il est évident que je me suis gardé de toute interprétation, mais on peut se demander dans quelle mesure il aurait été intéressant de décrypter ce point.retour

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Aurélia : jeu et sexualité retour

Si nous sommes bien avec le jeu dans la capacité à manipuler des fantasmes pour leur donner sens dans cette activité il est noté suivant Mélanie Klein " … la grande importance que possèdent à cet égard les inhibitions devant le jeu. L'inhibition et la restriction de l'intérêt pour le jeu conduisent à la réduction des potentialités et des intérêts dans l'étude comme dans tout le développement ultérieur de la pensée. " note11 . Nous pouvons mettre ceci en perspective avec ce que Mélanie Klein précise plus loin " Une fois de plus, je dois me reporter ici à l'importance de la résistance à l'éducation sexuelle. L'analyse des enfants a toujours confirmé mon point de vue sur cette question. J'ai été amenée à considérer cette résistance comme un symptôme d'une grande portée, qui signale des inhibitions décisives pour tout le développement ultérieur. "note12

Compte rendu de la séance n°9 retour

jeux libres : Elle avait dès le début de la séance été attirée par les animaux nouvellement acquis.

les animaux : Les thèmes principaux seront la sexualité, l'enfant qui se perd.

Elle me demande de choisir les animaux que je préfère " Tu peux en prendre plusieurs. " Je joue le jeu et il s'avère que je choisirai tous les animaux sauvages. C'est ceux-là qui entoureront les bébés.

On parlera des mamelles sur sa demande, sur les sexes des animaux.

Erreur de ma part, car je lui dis qu'on reconnaît les mâle car ils ont un sexe. Il faudra trouver le moyen de revenir sur ce point. Je n'en parlerai pas lors de cette séance car je m'en rends compte après coup et je ne veux pas trop insister sur ce terrain. B. (l'observatrice pendant les séances de rééducation) me dira que ça s'est bien passé.

Ce sont les méchants, ils l'entourent (elle met les petits au centre).

La girafe bouscule tout le monde, " Toutes les mamans vont discuter, et aussi les papas y vont discuter. "

" Les enfants y vont aller jouer. " et ils se perdent à nouveau. " Maman où es-tu ? " dira à un moment l'enfant. " Tout le monde rentre, sauf lui il est perdu. "

C'est une chose qui se répètera plusieurs fois les enfants qui se perdent et sont retrouvés.

Elle dira à propos d'une vache qui broute " Moi j'adore manger et je m'occupe pas de mon bébé. "

" J'oublie toujours que c'est une fille ou un garçon, Maman heu, papa… "

Il lui est difficile de concilier les sexes avec la garde des enfants. Elle associera toujours un taureau à une vache pour la garde du bébé. Le problème qui semble se poser ici, c'est la différenciation.

" Ceux qui ont l'air méchants sont gentils " dira-t-elle à propos des animaux féroces

Elle parlera de sa grand-mère " Moi ma grand-mère elle a des cochons. ", elle répondra aux questions sur ces cochons " gros " , " sales " .

Elle conclura par " J'aime surtout le cheval ! "

Qui est un mâle avec tous les attributs sexuels

Elle range les animaux par couples je lui dis que c'est gentil de ranger.

Commentaire sur la séance : retour

Il est à noter que pour la première fois, il est question d'anticiper sur la séance suivante, l'enfant demandant de pouvoir faire des dessins, par manque de temps je lui propose de les faire la séance prochaine, ce qu'elle accepte. De plus pendant la séance sur les animaux je n'interviendrai pratiquement pas, c'est l'enfant qui commentera toute seule ce qui me laisse le sentiment que la frontière entre rééducation et psychothérapie peut être ténue. retour

Compte rendu de la séance n°10 retour

jeux libres : Elle demandera tout de suite à faire des dessins sur les animaux.

Je n'aurai pas à lui rappeler ce qui avait été décidé la séance dernière.

Il m'a semblé percevoir un moment de légère régression, il est à noter que B. ne l'a pas remarqué.

le dessin des animaux : elle dira à deux reprises " Moi je sais pas dessiner ", " dessine moi un... " " C'est dur ". Elle travaillera une nouvelle fois la distinction des sexes, notamment par rapport à la vache et au taureau. A un moment elle distinguera " le bébé " " du petit " et finira par garder la deuxième option.

J'aborderai avec elle le sexe féminin.

Pour moi la difficulté est d'en dire suffisamment par rapport à l'attente de l'enfant sans en dire trop. B. me dira que c'était dans cet esprit-là et que j'ai rattrapé la bourde de la dernière fois.

A la fin de la séance elle me demande si elle peut emporter les dessins, je lui dit que normalement ils restent ici, que je les garde dans son dossier. S'ensuit une discussion sur la fin de la rééducation, après le CM2 et ce que devient son dossier. Je lui explique qu'ils sont détruits quand elle quitte l'école primaire.

reprise de séance : elle écrira le compte-rendu de la séance, mais elle ne notera que le nom de son père et son prénom.

Commentaire sur la séance :   retour

Elle posera au moment de mon explication sur la sexualité le fait de la différence réalité / jouet et on quittera ce terrain. Moi je suis dans la réalité, elle est dans le jouet. B. me dira qu'elle était dans la distance. Il est intéressant de noter qu'elle avait envie d'aller au fond des choses, pour savoir ce qui va se passer sans trop d'angoisse.

Remarque : à l'état civil, le nom de l'enfant est bien composé de celui du père et de la mère.

Sur le trajet Retour : elle me demande " Quand pars-tu en vacances, toi? ", je lui réponds comme elle, mais moi je reste chez moi. Elle me dit " Je pars au Portugal avec mon père, sans ma mère… … Je crois qu'elle ne veut pas partir. ".

Pendant cette séance je me garde bien d'interpréter quoi que soit, mais le jeu ici est sujet à construction de représentations sur la sexualité. Il est important de voir le chevauchement des différent plans, symbolique, jeu, sexualité, réalité. Quand je glisse sur le plan de la réalité, le lien rééducatif est rompu, l'enfant me rappelle que c'est "un jouet". Pour dépasser ce problème de l'interprétation des fantasmes et le questionnement sur la sexualité par rapport à l'inhibition on serait tenter de répondre qu'il faut une médiation qui permettent l'expression de ces fantasmes, et leur utilisation dans une production de la pensée et de la réflexion, notamment en passant par l'utilisation des médiations culturelles comme le préconise Serge Boimare.note13 La médiation, avec son support et ses règles de fonctionnement sont ce qui fait que la rééducation fonctionne, on est dans le domaine du faire semblant, du joué. Il me semble important de préciser que le travail sur les règles est fondamental. Une règle fondatrice est la règle du faire semblant, elle seule permet à l'enfant de faire émerger ce qui la préoccupe, profondément, en sachant que ce qui est dit dans la salle, est secret. Il faut préciser que ce temps de la rééducation lui appartient, il est hors du temps scolaire. D'ailleurs, il me semble qu'on aura atteint la fin de la rééducation quand ce temps rééducatif entrera en résonance avec le temps scolaire, et que le temps de l'enfant pourra faire une place au temps de l'élève.retour

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